Marchés publics allotis : une même référence pour plusieurs lots ? Le Conseil d’Etat dit non
Contexte
Dans le cadre d’un marché public passé en secteurs spéciaux et portant sur l’entretien des abords de bâtiments, l’entité adjudicatrice a subdivisé les prestations en trois lots correspondant chacun à une zone géographique distincte. Chaque lot portait sur des prestations similaires telles que le débroussaillage, la plantation, la tonte et la taille.
Par ailleurs, un critère de sélection imposait la présentation d’un minimum de trois références par lot. Lorsqu’un soumissionnaire proposait une offre pour plusieurs lots, le nombre de références exigé était cumulé : trois références pour un lot, six pour deux lots, et neuf pour les trois lots.
Alors qu’il avait présenté l’offre économiquement la plus avantageuse pour les lots 1 et 2, un soumissionnaire ne s’est toutefois vu attribuer que le lot 1 dès lors que l’entité adjudicatrice a constaté que seules trois références étaient jointes à son offre.
Le soumissionnaire en question estimait cependant que les références produites devaient suffire pour démontrer sa capacité à exécuter des travaux similaires sur plusieurs lots de sorte qu’il a saisi le Conseil d’Etat en vue d’obtenir la suspension de l’exécution de la décision d’attribution du lot 2 à un concurrent.
Appréciation du Conseil d’Etat : la validité du critère cumulatif
Aux termes d’un arrêt n° 263.286 du 13 mai 2025[1], le Conseil d’Etat a rejeté les arguments du soumissionnaire non sélectionné et confirmé la validité du cumul des références imposée par le cahier spécial des charges.
Voici les principaux enseignements de cet arrêt :
Sur le caractère cumulatif du critère de sélection
- Le Conseil d’Etat confirme que l’article 57 de l’arrêté royal du 18 juin 2017 relatif à la passation des marchés publics dans les secteurs spéciaux permet expressément à l’entité adjudicatrice de fixer un niveau minimal requis tant pour la sélection qualitative relative à chacun des lots séparément qu’en cas d’attribution de plusieurs lots à un même soumissionnaire.
- L’objectif est de s’assurer que le soumissionnaire dispose des moyens nécessaires pour exécuter simultanément plusieurs lots distincts même s’ils sont techniquement identiques.
- Le Conseil d’Etat rappelle le large pouvoir d’appréciation de l’entité adjudicatrice en la matière et considère qu’en l’espèce, les exigences étaient liées et proportionnées à l’objet du marché.
Sur l’argument du caractère disproportionné du critère de sélection
- Le Conseil d’Etat juge qu’il n’est pas déraisonnable, prima facie, d’exiger davantage de références pour plusieurs lots, même identiques techniquement, du fait qu’ils sont géographiquement distincts et susceptibles d’être exécutés en parallèle.
- La possibilité d’utiliser des références de même nature dont le nombre varie en fonction du nombre de lots auquel le soumissionnaire participe n’est pas une entrave injustifiée à la concurrence.
Conclusion
Par son arrêt du 13 mai 2025, le Conseil d’Etat valide donc la pratique consistant à exiger un nombre cumulé de références dans les marchés publics allotis lorsque cette exigence est justifiée par les besoins du marché et reste proportionnée. Cette décision conforte les adjudicateurs dans leur faculté de s’assurer que les titulaires de plusieurs lots disposent bien des ressources nécessaires pour en assurer l’exécution simultanée.
[1] C.E., arrêt n° 263.286 du 13 mai 2025, SA BOIS ET TRAVAUX.