Nouveauté en matière d’action directe : tendance inversée dans le cadre des marchés publics ?
1.
Depuis des années maintenant, le sous-traitant de l’entrepreneur principal jouit d’une position plus que confortable grâce au mécanisme de l’action directe. Il possède en effet un droit de créance à l’égard du maître d’ouvrage en cas de défaut de paiement de l’entrepreneur[1].
Dans le cadre des marchés publics de travaux, l’action directe du sous-traitant à l’égard de l’adjudicateur doit obligatoirement être prévue dans les documents du marché[2].
2.
A l’occasion de la réforme globale du Code civil belge et, plus particulièrement, de l’insertion du livre 5 « Les obligations »[3] entré en vigueur le 1er janvier 2023, le législateur a eu l’idée de donner à cette figure juridique une place dans le droit commun.
Ainsi, le législateur a établi un socle commun[4] aux actions directes par l’insertion de l’article 5.110 du nouveau Code civil qui prévoit, en son alinéa 1er, que « la loi peut accorder à un créancier le droit de demander en son nom et pour son compte l’exécution d’une prestation du débiteur de son débiteur à concurrence de ce dont celui-ci est redevable à l’égard de son créancier ».
3.
La réforme globale du Code civil se poursuit en ce début d’année civile avec l’adoption, par la Chambre des représentants, du projet de loi portant le livre 6 « La responsabilité extracontractuelle », s’ajoutant ainsi déjà aux livres 1, 3, 5 et 8[5].
Ce livre 6 devrait entrer en vigueur le 1er janvier 2025, six mois après sa publication au Moniteur belge.
A la suite d’un amendement incorporé dans ladite proposition de loi[6], le législateur a décidé de permettre au maître d’ouvrage également de disposer d’une action directe vis-à-vis du sous-traitant, mais uniquement au niveau extracontractuel[7].
L’action directe contractuelle du maître d’ouvrage vis-à-vis du sous-traitant avait été envisagée par le biais d’un amendement du 9 janvier 2024[8]. Le législateur a cependant décidé de rebrousser chemin en ne permettant au créancier qu’à exercer une action extracontractuelle à l’encontre de l’auxiliaire en ce qu’« étant donné que l’auxiliaire est un tiers, cette voie semble la plus appropriée ».
4.
Partant, une fois le livre 6 entré en vigueur, dans l’hypothèse où un adjudicateur serait mécontent de l’entrepreneur ou serait, par exemple, déclaré en faillite, celui-ci pourrait intenter une action directe contre l’éventuel sous-traitant de cet entrepreneur, en démontrant que les conditions de la responsabilité extracontractuelle sont réunies. Les créances de l’adjudicateur pourraient être notamment des pénalités, des amendes de retard et des avances devant être remboursées[9] par l’adjudicataire.
Néanmoins, l’adjudicateur pourrait être confronté aux moyens de défense[10] que le sous-traitant tire de sa relation avec l’entrepreneur principal[11]. Par exemple, le sous-traitant pourrait faire usage de son droit à la compensation avec une créance dont lui est redevable l’entrepreneur principal[12].
Le sous-traitant pourrait également tirer des moyens de défense de la relation entre l’adjudicateur et l’entrepreneur principal[13]. Par exemple, il pourrait soutenir que les pénalités appliquées par l’adjudicateur à l’encontre de l’entrepreneur principal ne sont pas dues au motif que l’adjudicateur n’a pas dressé de procès-verbal de manquement conformément à l’article 44, § 2, de l’arrêté royal du 14 janvier 2013.
A l’instar de l’action directe introduite par le sous-traitant, Il nous semble encore que les moyens de défense du sous-traitant doivent préexister à l’exercice de l’action directe introduite par l’adjudicateur puisque les droits de l’adjudicateur se cristallisent au moment de l’action directe[14].