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Quel type de mesure pourra être adoptée par le Gouvernement après les élections du 9 juin prochain ?

Publié le : 31/05/2024 31 mai mai 05 2024

Le 9 juin prochain, les Belges seront appelés aux urnes pour les élections régionales, fédérales et européennes. A la suite de cela, du fait de la dissolution des chambres législatives, le Gouvernement actuel sera privé de sa base parlementaire et échappera ainsi au contrôle de la Chambre des représentants[1]. Par conséquent, il ne disposera plus que de pouvoirs limités et sera chargé d’expédier les affaires courantes jusqu’à ce qu’une coalition se forme.[2]

Il convient de rappeler brièvement en quoi consiste cette période. Les affaires courantes consistent en un ensemble de règles et de principes d’application lors de ces crises qui limitent les pouvoirs du gouvernement et du parlement en l’absence de contrôle parlementaire[3]. Le type d’affaires expédiées pendant cette période peut prendre trois formes : les affaires en cours sans importance politique nouvelle, les affaires de gestion journalière sans responsabilité politique réelle et les affaires urgentes.

Au niveau du droit, cette théorie n’a que peu de fondements législatifs au niveau fédéral mais constitue « une coutume constitutionnelle liée au principe de la continuité du service public et au principe de la responsabilité ministérielle dans un système parlementaire, elle est donc d’ordre public »[4]. Au niveau fédéré en revanche, l’article 73 de la loi spéciale de réformes institutionnelles prévoit la notion d’affaires courantes en Région Wallonne et dans la Communauté française. Au niveau de la Région flamande, la matière est réglée par l’article 26 du décret spécial du 7 juillet 2006 relatif aux institutions flamandes.

Le premier type d’affaires dont un Gouvernement en période d’affaires courantes peut se charger sont les affaires en cours, à savoir les affaires « constituant la poursuite normale d’une procédure régulièrement engagée avant la dissolution du parlement ou la démission du gouvernement et conduites ensuite à son terme sans célérité inhabituelle, pour autant que le résultat de cette procédure n'ait pas, sur le plan de la politique générale, une importance telle qu'elle ne puisse être décidée que par un gouvernement jouissant de la confiance du parlement »[5]. Ces affaires doivent être dépourvus d’importance politique nouvelle car elles doivent avoir été entamées avant la période critique, avoir été réglées sans précipitation et les questions politiques qui se posaient sur le plan administratif doivent avoir été résolues avant la période critique.

Deuxièmement, les affaires de gestion journalière sont celles « dont l'intérêt politique est à ce point ténu qu'elles ne sont pas susceptibles de mettre sous pression la relation de confiance entre le gouvernement et le parlement »[6]. Ces affaires n’impliquent pas de choix politique réel, telles que l’imposition de sanctions disciplinaires ou la nomination de fonctionnaires n’occupant pas une fonction dirigeante[7]. Tout comme les actes de la première catégorie, ils constituent le prolongement d’une procédure déjà entamée mais à la différence de ceux-ci, ils n’impliquent aucune décision politique.

Enfin, les affaires urgentes nécessitent la démonstration qu’une « absence de décision mettrait en danger des intérêts fondamentaux ou leur porterait préjudice »[8]. Les affaires concernées ici ne peuvent souffrir d’aucun retard et devra subir un contrôle de légalité limité de la part du Conseil d’État[9]. En cas de période d’affaires courantes prolongées, certaines décisions telles que la désignation de juges d’instruction ou du tribunal d’application des peines sont considérées comme urgentes[10].

En conclusion, les lacunes législatives en la matière pourraient poser des problèmes notamment si une crise internationale de grande ampleur éclatait ou si cette période durait trop longtemps, comme cela a été le cas lorsque la Belgique a passé 589 jours sans Gouvernement lors de la crise politique de 2010-2011. Il est donc impératif de remédier au manque de législation en la matière...

Si vous avez d'autres questions à ce sujet, n'hésitez pas à nous contacter. Les experts de Xirius Public se feront un plaisir de vous renseigner.
 
[1] C.E., arrêt n°258.052 du 29 novembre 2023, British American Tobacco et autres.
[2] C.E., arrêt n°234.577 du 28 avril 2016, Fondation d’utilité publique « Comité belge pour l’UNICEF », l’A.S.B.L. « Défense des Enfants-International-Belgique Branche Francophone » et autres.
[3] L. MANIASCALCO, “Des affaires pas si courantes que cela…”, Rev. b. dr. const., 2015, liv. 1, p.13-55.
[4] C.E., arrêt n°258.052 du 29 novembre 2023, British American Tobacco et autres.
[5] C.E., arrêt n°234.747 du 17 mai 2016, de Crombrugghe de Picquendaele.
[6] C.E., arrêt n°234.747 du 17 mai 2016, de Crombrugghe de Picquendaele.
[7]   C.E., arrêt n°19.272 du 21 novembre 1978, Beets ; C.E., arrêt n° 24.143 du 16 mars 1984, De Val – pouvoir de révoquer un agent ; C.E., arrêt n° 40.375 du 18 septembre 1992, Hotton ; C.E., arrêt n° 22.109 du 10 mars 1982, Gillet – nomination d’un fonctionnaire de rang; C.E., arrêts nos 20.080 et 20.081 du 29 janvier 1980, Joos et Haesaert ; C.E., arrêt n° 23.419 du 30 juin 1983, Wagemans – sanction disciplinaire ; C.E., arrêt n° 24.910  du 14 décembre 1984, Delporte – sanction disciplinaire; C.E., arrêt n° 68.729 du 8 octobre 1997, Leclercq – révocation pour motif disciplinaire in S. WEERT, « La notion d’affaires courantes dans la jurisprudence du Conseil d’Etat », A.P., 2001, p. 115.
[8] C.E., arrêt n°234.747 du 17 mai 2016, de Crombrugghe de Picquendaele.
[9] C.E., arrêt n°214.910 du 31 août 2011, Pirard.
[10] X., “Indignez-vous!”, J.T., 2011, liv. 6440, p. 456.

Auteurs

Laurens De Brucker
Avocat Associé
XIRIUS PUBLIC, Droit administratif, Droit climatique, Droit constitutionnel, Droit de l'énergie, Droit de l'environnement et de l'urbanisme, Urbanisme et aménagement du territoire
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Clémence Lecomte
Avocate
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