Les communautés d’énergie en Région Bruxelles-Capitale
Publié le :
20/08/2024
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- Introduction :
L’actualité en Ukraine a rappelé l’importance de l’indépendance énergétique des Etats européens qui n’ont pas tous été dotés des mêmes ressources naturelles. En outre, les enjeux climatiques et environnementaux de notre époque sensibilisent de plus en plus le grand public à la consommation d’énergie verte.
D’un point de vue technique, plusieurs avancées scientifiques permettent le développement de systèmes de production d’énergie plus verts. C’est le cas notamment des panneaux photovoltaïques et de la géothermie.
D’un point de vue juridique, il y a lieu de se pencher sur une législation existant déjà depuis un certain temps à Bruxelles, mais peu connue du grand public : le partage d’énergie et plus particulièrement les communautés d’énergies. En effet, ces dernières ouvrent la porte du marché de l’électricité à une multitude d’acteurs, dont les particuliers.
- Le concept :
Bruxelles environnement défini le partage d’énergie comme un système dans lequel « les personnes qui produisent de l’énergie (via des panneaux solaires, une éolienne…) vont pouvoir revendre la part de production qu’ils ne consomment pas à d’autres citoyens, leur permettant ainsi d’accéder à de l’électricité verte, sans passer par un fournisseur d’énergie, et à un prix convenu à l’avance entre eux ». Les communautés d’énergie « quant à elles, ne sont pas limitées au simple partage, et ouvrent la possibilité de mettre en place d’autres activités énergétiques telles que le stockage d’énergie, la recharge de véhicules électriques et bien d’autres » [1].
Comme leur nom l’indique, les communautés d’énergie ont donc vocation à permettre de créer des groupements d’énergie locaux, dont la source, fondamentalement locale, aura tendance à être issue d’un mode de production vert.
- Les bases légales :
Le texte de base est L’ordonnance du 19 juillet 2001 relative à l’organisation du marché de l’électricité en Région de Bruxelles-Capitale.
Les communauté d’énergie y sont introduites par l’ordonnance du 20 avril 2022 modifiant l'ordonnance du 19 juillet 2001 relative à l'organisation du marché de l'électricité en Région de Bruxelles-Capitale, l'ordonnance du 1er avril 2004 relative à l'organisation du marché du gaz en Région de Bruxelles-Capitale, concernant des redevances de voiries en matière de gaz et d'électricité et portant modification de l'ordonnance du 19 juillet 2001 relative à l'organisation du marché de l'électricité en Région de Bruxelles-Capitale et l'ordonnance du 12 décembre 1991 créant des fonds budgétaires en vue de la transposition de la directive 2018/2001 et de la directive 2019/944. Elle transpose notamment les directives européennes pertinentes en la matière.
Les définitions du texte. Cette dernière défini la communauté d’énergie comme « une communauté d'énergie citoyenne, une communauté d'énergie renouvelable ou une communauté d'énergie locale » [2]. Ces trois concepts sont quant à eux décrits de la manière suivante :
- « Communauté d'énergie citoyenne : personne morale qui exerce une ou plusieurs des activités visées à l'article 28ter et dont l'objectif principal est de procurer des bénéfices environnementaux, sociaux ou économiques tant à ses membres qu'au niveau du territoire où elle exerce ses activités, plutôt que de générer des profits financiers » [3] ;
- « Communauté d'énergie renouvelable : personne morale, autonome, qui exerce une ou plusieurs des activités visées à l'article 28quinquies et dont l'objectif principal est de procurer des bénéfices environnementaux, sociaux ou économiques tant à ses membres qu'au niveau du territoire où elle exerce ses activités, plutôt que de générer des profits financiers » [4] ;
- « Communauté d'énergie locale : personne morale, autonome, qui exerce une ou plusieurs des activités visées à l'article 28septies et dont l'objectif principal est de procurer des bénéfices environnementaux, sociaux ou économiques tant à ses membres qu'au niveau du territoire où elle exerce ses activités, plutôt que de générer des profits financiers » [5] ;
Comment créer une communauté d’énergie ? Les dispositions concernant les communautés d’énergie sont insérées par les articles 64 et suivants de l’ordonnance modificative.
1.
La création d’une communauté d’énergie est purement volontaire [6], il s’agit d’une initiative dont la réglementation vient seulement cadrer le projet.
2.
Dans un premier temps, il convient de déterminer les participants à la communauté, sa forme, et ensuite de constituer une personne morale avec laquelle une convention sera conclue. Les participants de la communauté d’énergie concluent donc une convention avec elle portant sur ses droits et obligations [7]. La communauté d’énergie doit ensuite se déclarer auprès du gestionnaire de réseau concerné [8] (en l’occurrence Sibelga [9]).
3.
Les statuts et autres documents équivalents des communautés d’énergie doivent être constitués d’une série d’éléments visant notamment à garantir l’indépendance de ses membres et l’autonomie de la communauté [10].
4.
Enfin, la création d’une communauté d’énergie est soumise à l’octroi d’une autorisation délivrée par Brugel[11] selon les modalités décrites dans l’ordonnance. Cette autorisation est valable pour une période de 10 ans renouvelable à compter de sa délivrance. La procédure est assez courte puisque Brugel notifie sa décision au plus tard dans les 60 jours suivants la demande complète (il s’agit a priori d’un délai d’ordre). L’autorisation peut être retirée par Brugel en cas de non-respect des obligations prévues par l’ordonnance dont question. L’article 30undecies de l’ordonnance prévoit une procédure de recours devant la Cour des marchés contre les décisions de Brugel. La décision peut également faire l’objet d’une plainte en réexamen devant BRUGEL, conformément à l’article 30decies de l’ordonnance électricité.
Les critères d’octroi de l’autorisation sont établis dans l’ordonnance et ont été précisés par Brugel au sein de lignes directrices [12].
Application concrète. Le site de Brugel fait état de seulement 10 communautés d’énergie à Bruxelles [13]. Le 17 avril 2024, l’autorité rendait sa dernière décision en la matière en autorisant le projet de communauté d’énergie citoyenne « Brupower » [14]. Cette communauté est composée de de 315 sociétaires, dont 312 personnes physiques et 3 personnes morales. Ce nombre impressionnant de participants illustre les potentiels du concept. En l’espèce, ce sont des panneaux voltaïques qui constitueront la source de production d’énergie.
- Conclusion
L’opportunité méconnue offerte par l’ordonnance bruxelloise de participer et constituer une communauté d’énergie revêt un intérêt incontestable d’un point de vue de l’indépendance énergétique de ses participants. En effet, par le biais d’un tel concept, l’origine de l’énergie consommée est traçable de manière particulièrement efficace. Pour les adeptes de l’énergie verte, il s’agit d’un moyen de contrôle de la qualité de la consommation d’énergie extrêmement précis puisque la source de production, qui se situe dans un environnement, a priori, proche et local, est connue. En outre, le système permet de développer l’indépendance des particuliers en termes d’approvisionnement en énergie en permettant aux communautés de s’organiser autour d’une source de production et de s’extraire d’un système de dépendance à l’égard des grands producteurs et distributeurs. L’avenir nous dira dans quelle mesure ces projets auront vocation à s’intégrer de manière incontournable dans le paysage bruxellois.
[2] Ordonnance, article 2, 57° relative à l’organisation du marché de l’électricité en Région de Bruxelles-Capitale.
[3] Ordonnance, article 2, 58°.
[4] Ordonnance, article 2, 59°.
[5] Ordonnance, article 2, 60°.
[6] Ordonnance, article 28octies.
[7] Ordonnance, article 28 quattuodecies : « § 1er. Les participants à une activité d'une communauté d'énergie concluent chacun avec ladite communauté d'énergie une convention portant sur ses droits et obligations. La convention contient au minimum les éléments suivants :1° les règles et responsabilités applicables en matière de respect de la vie privée et de protection des données à caractère personnel ;2° les modalités d'exercice des activités de la communauté d'énergie auxquelles le participant prend part ;3° en cas de partage d'électricité, les règles équitables, transparentes et non discriminatoires de partage et, le cas échéant, de facturation de l'électricité et des frais de réseau, impôts, taxes, surcharges, redevances et contributions de toute nature applicables à cette électricité ;4° la procédure applicable en cas de défaut de paiement : cette procédure comprend au minimum l'envoi d'un rappel et d'une mise en demeure ;5° les modalités de lancement des procédures extrajudiciaires pour le règlement des litiges.Le contenu de la convention est exprimé dans un langage clair et compréhensible et reprend toutes les informations utiles à la compréhension des droits et obligations des parties. Ces conventions ne créent pas de discrimination entre participants. § 2. Le Gouvernement peut préciser et compléter le contenu minimal de la convention visée au paragraphe 1er. Il peut également fixer des règles de partage standards applicables par défaut et préciser la procédure applicable en cas de défaut de paiement ».
[8] Ordonnance, article 28 duodecies, al.2.
[9]https://www.brugel.brussels/publication/document/brochures/2023/fr/Partage_energie_communaut%C3%A9.pdf
[10] Ordonnance, article 28 tredecies : « 1er. Les statuts ou autres documents constitutifs équivalents des communautés d'énergie contiennent au minimum les éléments suivants :1° les dispositions relatives au contrôle effectif de la communauté d'énergie et aux modalités de l'exercice du droit de vote en son sein et, dans les cas d'une communauté d'énergie renouvelable et d'une communauté d'énergie locale, les critères selon lesquels sera établie la condition de proximité visée à l'article 28quater, § 2 et à l'article 28sexies, § 2 ;2° les dispositions garantissant l'autonomie de la communauté d'énergie vis-à-vis de ses membres individuels et des autres acteurs du marché qui coopèrent avec celle-ci sous d'autres formes ;3° une description des objectifs environnementaux, sociaux ou économiques de la communauté d'énergie ;4° une description des activités que la communauté d'énergie peut exercer ;5° les dispositions relatives à l'utilisation des profits, le cas échéant, générés par les activités de la communauté d'énergie.Ces dispositions assurent la primauté de la poursuite d'objectifs environnementaux, sociaux ou économiques sur la recherche du profit financier ;6° les dispositions relatives aux modalités d'entrée et de sortie des membres : ces modalités sont transparentes, objectives, équitables, non discriminatoires et proportionnées ;7° les dispositions relatives aux modalités de cession et de transmission des parts et apports des membres ;8° les dispositions relatives à la durée ainsi qu'à la dissolution de la communauté d'énergie.§ 2. Le Gouvernement peut préciser et compléter les dispositions minimales des statuts ou autres documents constitutifs équivalents des communautés d'énergie. ».
[11] Ordonnance, article 28 sexiesdecies.
[12]https://www.brugel.brussels/publication/document/brochures/2023/fr/Guide_Autorisation_communautes_ener gie.pdf : les critères sont les suivants : les membres qui peuvent participer à un type de communauté d’énergie ; la gouvernance de la communauté d’énergie ; y les activités dans lesquelles peut se lancer la communauté d’énergie ; les statuts de la communauté d’énergie, qui doivent respecter les dispositions de l’ordonnance.
Auteurs
Laurens De Brucker
Avocat Associé
XIRIUS PUBLIC, Droit administratif, Droit climatique, Droit constitutionnel, Droit de l'énergie, Droit de l'environnement et de l'urbanisme, Urbanisme et aménagement du territoire
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Basile Pittie
Avocat
XIRIUS PUBLIC, Droit constitutionnel, Droit de l'énergie, Droit de l'environnement et de l'urbanisme, Urbanisme et aménagement du territoire
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