Précision du Conseil d’Etat concernant la vérification des prix pour les postes jugés négligeables
1.
Conformément à l’article 84 de la loi du 17 juin 2016 relative aux marchés publics, l’adjudicateur a l’obligation de procéder à la vérification des prix ou coûts des offres introduites, conformément aux modalités fixées par le Roi.
Lorsqu’il existe une suspicion de prix anormal à l’issue de la vérification des prix prévue par les articles 33 et 35 de l’arrêté royal du 18 avril 2017 relatif à la passation des marchés publics dans les secteurs classiques, l’adjudicateur est alors tenu de procéder à un examen des prix et des coûts suspectés d’anormalité comme le prévoit l’article 36 du même arrêté royal.
Si l’adjudicateur doit, en principe, interroger les soumissionnaires concernant tous les postes qui semblent anormaux, il n’est toutefois pas tenu, par exception, de demander des justifications de prix pour les postes dits « négligeables », conformément à l’article 36, § 2, alinéa 5, de l’arrêté royal du 18 avril 2017.
Si le terme « négligeable » n’a pas été défini par le législateur et que l’adjudicateur dispose d’un pouvoir d’appréciation et n’est pas tenu au respect de critères déterminés lorsqu’il s’agit de juger du caractère négligeable ou non des postes d’une offre[1], il appartient toutefois à l’adjudicateur de démontrer le caractère négligeable des postes qualifiés comme tels que ce soit en raison de leur importance financière négligeable ou de l’importance réduite que le poste représente dans le cadre de l’exécution du marché concerné[2].
A cet égard, le Conseil d’Etat estime que « [l]’obligation de motivation formelle de la qualification du caractère non négligeable d’un poste dépasse toutefois la simple mention de ce caractère, dès lors qu’est en jeu, pour le soumissionnaire concerné, une garantie contre l’arbitraire, y compris dans l’application des dispositions normatives »[3].
De manière générale, il est considéré qu’un poste représentant moins de 1 % du montant total de l’offre doit être qualifié de négligeable[4].
2.
Dans la mesure où l’article 36, § 2, alinéa 5, de l’arrêté royal du 18 avril 2017 déroge à l’obligation d’inviter les soumissionnaires à justifier les prix suspectés d’anormalité lorsqu’il s’agit de postes jugés négligeables, certains adjudicateurs estimaient qu’en l’absence d’une telle obligation, ils pouvaient, en réalité, se dispenser de toute vérification des prix offerts pour ces postes.
Aux termes d’un arrêt n° 260.020 du 5 juin 2024, Le Conseil d’Etat souligne cependant que si l’adjudicateur n’est pas tenu d’inviter un soumissionnaire à justifier par écrit les prix qui semblent anormalement bas ou élevés, il ne peut toutefois se dispenser d’une vérification des prix offerts pour ces postes[5].
Cet arrêt est particulièrement intéressant en ce qu’il permet d’apporter une clarification importante quant à l’étendue de la vérification des prix pour les postes jugés négligeables. En effet, si l’adjudicateur n’a certes pas l’obligation d’inviter un soumissionnaire à justifier les prix des postes négligeables présentant une apparence d’anormalité, le Conseil d’Etat précise désormais clairement que l’adjudicateur doit néanmoins vérifier le caractère normal ou non de ces prix.