Les communautés d’énergie en Région Bruxelles-Capitale
- Introduction :
L’actualité en Ukraine a rappelé l’importance de l’indépendance énergétique des Etats européens qui n’ont pas tous été dotés des mêmes ressources naturelles. En outre, les enjeux climatiques et environnementaux de notre époque sensibilisent de plus en plus le grand public à la consommation d’énergie verte.
D’un point de vue technique, plusieurs avancées scientifiques permettent le développement de systèmes de production d’énergie plus verts. C’est le cas notamment des panneaux photovoltaïques et de la géothermie.
D’un point de vue juridique, il y a lieu de se pencher sur une législation existant déjà depuis un certain temps à Bruxelles, mais peu connue du grand public : le partage d’énergie et plus particulièrement les communautés d’énergies. En effet, ces dernières ouvrent la porte du marché de l’électricité à une multitude d’acteurs, dont les particuliers.
- Le concept :
Bruxelles environnement défini le partage d’énergie comme un système dans lequel « les personnes qui produisent de l’énergie (via des panneaux solaires, une éolienne…) vont pouvoir revendre la part de production qu’ils ne consomment pas à d’autres citoyens, leur permettant ainsi d’accéder à de l’électricité verte, sans passer par un fournisseur d’énergie, et à un prix convenu à l’avance entre eux ». Les communautés d’énergie « quant à elles, ne sont pas limitées au simple partage, et ouvrent la possibilité de mettre en place d’autres activités énergétiques telles que le stockage d’énergie, la recharge de véhicules électriques et bien d’autres » [1].
Comme leur nom l’indique, les communautés d’énergie ont donc vocation à permettre de créer des groupements d’énergie locaux, dont la source, fondamentalement locale, aura tendance à être issue d’un mode de production vert.
- Les bases légales :
Le texte de base est L’ordonnance du 19 juillet 2001 relative à l’organisation du marché de l’électricité en Région de Bruxelles-Capitale.
Les communauté d’énergie y sont introduites par l’ordonnance du 20 avril 2022 modifiant l’ordonnance du 19 juillet 2001 relative à l’organisation du marché de l’électricité en Région de Bruxelles-Capitale, l’ordonnance du 1er avril 2004 relative à l’organisation du marché du gaz en Région de Bruxelles-Capitale, concernant des redevances de voiries en matière de gaz et d’électricité et portant modification de l’ordonnance du 19 juillet 2001 relative à l’organisation du marché de l’électricité en Région de Bruxelles-Capitale et l’ordonnance du 12 décembre 1991 créant des fonds budgétaires en vue de la transposition de la directive 2018/2001 et de la directive 2019/944. Elle transpose notamment les directives européennes pertinentes en la matière.
Les définitions du texte. Cette dernière défini la communauté d’énergie comme « une communauté d’énergie citoyenne, une communauté d’énergie renouvelable ou une communauté d’énergie locale » [2]. Ces trois concepts sont quant à eux décrits de la manière suivante :
- « Communauté d’énergie citoyenne : personne morale qui exerce une ou plusieurs des activités visées à l’article 28ter et dont l’objectif principal est de procurer des bénéfices environnementaux, sociaux ou économiques tant à ses membres qu’au niveau du territoire où elle exerce ses activités, plutôt que de générer des profits financiers » [3]
- « Communauté d’énergie renouvelable : personne morale, autonome, qui exerce une ou plusieurs des activités visées à l’article 28quinquies et dont l’objectif principal est de procurer des bénéfices environnementaux, sociaux ou économiques tant à ses membres qu’au niveau du territoire où elle exerce ses activités, plutôt que de générer des profits financiers » [4]
- « Communauté d’énergie locale : personne morale, autonome, qui exerce une ou plusieurs des activités visées à l’article 28septies et dont l’objectif principal est de procurer des bénéfices environnementaux, sociaux ou économiques tant à ses membres qu’au niveau du territoire où elle exerce ses activités, plutôt que de générer des profits financiers » [5]
La communauté d’énergie se décline dès lors sous plusieurs variables définies dans l’ordonnance. Dans les trois situations, la communauté d’énergie prend la forme d’une personne morale et a pour objectif de procurer des bénéfices environnementaux, sociaux et économiques à ses membres et au territoire sur lequel elle exerce ses activités.
Comment créer une communauté d’énergie ? Les dispositions concernant les communautés d’énergie sont insérées par les articles 64 et suivants de l’ordonnance modificative.
1.
La création d’une communauté d’énergie est purement volontaire [6], il s’agit d’une initiative dont la réglementation vient seulement cadrer le projet.
2.
Dans un premier temps, il convient de déterminer les participants à la communauté, sa forme, et ensuite de constituer une personne morale avec laquelle une convention sera conclue. Les participants de la communauté d’énergie concluent donc une convention avec elle portant sur ses droits et obligations [7]. La communauté d’énergie doit ensuite se déclarer auprès du gestionnaire de réseau concerné [8] (en l’occurrence Sibelga [9]).
3.
Les statuts et autres documents équivalents des communautés d’énergie doivent être constitués d’une série d’éléments visant notamment à garantir l’indépendance de ses membres et l’autonomie de la communauté [10].
4.
Enfin, la création d’une communauté d’énergie est soumise à l’octroi d’une autorisation délivrée par Brugel[11] selon les modalités décrites dans l’ordonnance. Cette autorisation est valable pour une période de 10 ans renouvelable à compter de sa délivrance. La procédure est assez courte puisque Brugel notifie sa décision au plus tard dans les 60 jours suivants la demande complète (il s’agit a priori d’un délai d’ordre). L’autorisation peut être retirée par Brugel en cas de non-respect des obligations prévues par l’ordonnance dont question. L’article 30undecies de l’ordonnance prévoit une procédure de recours devant la Cour des marchés contre les décisions de Brugel. La décision peut également faire l’objet d’une plainte en réexamen devant BRUGEL, conformément à l’article 30decies de l’ordonnance électricité.
Les critères d’octroi de l’autorisation sont établis dans l’ordonnance et ont été précisés par Brugel au sein de lignes directrices [12].
Application concrète. Le site de Brugel fait état de seulement 10 communautés d’énergie à Bruxelles [13]. Le 17 avril 2024, l’autorité rendait sa dernière décision en la matière en autorisant le projet de communauté d’énergie citoyenne « Brupower » [14]. Cette communauté est composée de de 315 sociétaires, dont 312 personnes physiques et 3 personnes morales. Ce nombre impressionnant de participants illustre les potentiels du concept. En l’espèce, ce sont des panneaux voltaïques qui constitueront la source de production d’énergie.
- Conclusion
L’opportunité méconnue offerte par l’ordonnance bruxelloise de participer et constituer une communauté d’énergie revêt un intérêt incontestable d’un point de vue de l’indépendance énergétique de ses participants. En effet, par le biais d’un tel concept, l’origine de l’énergie consommée est traçable de manière particulièrement efficace. Pour les adeptes de l’énergie verte, il s’agit d’un moyen de contrôle de la qualité de la consommation d’énergie extrêmement précis puisque la source de production, qui se situe dans un environnement, a priori, proche et local, est connue. En outre, le système permet de développer l’indépendance des particuliers en termes d’approvisionnement en énergie en permettant aux communautés de s’organiser autour d’une source de production et de s’extraire d’un système de dépendance à l’égard des grands producteurs et distributeurs. L’avenir nous dira dans quelle mesure ces projets auront vocation à s’intégrer de manière incontournable dans le paysage bruxellois.