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Licenciement des travailleurs contractuels du secteur public : la fin d’une saga ?

Publié le : 25/03/2024 25 mars mars 03 2024

Ca y est, la loi du 13 mars 2024 sur la motivation des licenciements et des licenciements manifestement déraisonnables des travailleurs contractuels du secteur public a été publiée au Moniteur belge le 20 mars 2024 ! Cette loi prévoit ainsi un régime analogue à celui établi, dans le secteur privé, par la CCT n° 109.

Bref retour en arrière 

Il faut remonter à la loi du 26 décembre 2013 sur le statut unique[1] pour comprendre l’origine de cette nouveauté législative. L’article 38 de la loi du 26 décembre 2013, modifiant l’article 63 de la loi sur les contrats de travail, prévoyait que le régime applicable au licenciement abusif des ouvriers cesserait lorsqu’une convention collective du Conseil national du Travail relative à la motivation du licenciement serait adoptée pour les travailleurs du « secteur privé »[2], tandis qu’un régime analogue devait également être établi pour le « secteur public »[3].

Si la CCT n° 109 est entrée en vigueur le 1er janvier 2014, le régime « analogue » pour le secteur public se faisait attendre.

Cette différence de traitement entre secteur public et privé a été pointée du doigt par la Cour constitutionnelle dans son arrêt n° 101/2016 du 30 juin 2016. Par cet arrêt, la Cour a ainsi exhorté le législateur à adopter un régime de protection des travailleurs du secteur public contre le licenciement manifestement déraisonnable et a indiqué que « dans l’attente de l’intervention du législateur, il appartient aux juridictions, en application du droit commun des obligations, de garantir sans discrimination les droits de tous les travailleurs du secteur public en cas de licenciement manifestement déraisonnable, en s’inspirant, le cas échéant, de la convention collective de travail n° 109 »[4].

Par ailleurs, la Cour constitutionnelle, contredisant en cela la Cour de cassation[5], a estimé, dans un arrêt rendu le 6 juillet 2017[6], que les dispositions légales de la loi du 3 juillet 1978 relatives au licenciement moyennant préavis devaient être interprétées en ce sens qu’elles n’empêchent pas la tenue d’une audition préalable au licenciement pour un motif lié à la personne ou au comportement de la personne[7]. Bis repetita dans un arrêt rendu le 22 février 2018, dans lequel la Cour a précisé qu’une audition préalable devait également être organisée en cas de licenciement pour motif grave lié à la personne ou au comportement de la personne [8].

Le régime mis en place par la loi du 13 mars 2024

La loi commentée a pour objectif de se conformer aux critiques de la Cour constitutionnelle[9].
 
  • Champ d’application

La loi est applicable aux travailleurs sous contrat de travail dont l'employeur ne relève pas du champ d'application de la loi du 5 décembre 1968 sur les conventions collectives de travail et les commissions paritaires. La loi n’est cependant pas applicable aux licenciements survenant :
 
  • durant les 6 premiers mois d’occupation (les CDD successifs ou de travail intérimaire pour une fonction identique chez le même employeur sont compris dans le calcul de ces 6 premiers mois) ;
  • durant un contrat de travail intérimaire ;
  • durant un contrat d’occupation d’étudiants ;
  • en vue de mettre fin au contrat de travail à durée indéterminée à partir du 1er jour du mois qui suit celui au cours duquel le travailleur atteint l’âge légal de la pension.

La loi ne vise pas non plus les cas de licenciement pour motif grave ou les cas de licenciement de travailleurs pour lesquels l'employeur doit suivre une procédure spéciale de licenciement fixée par ou en vertu d'une norme législative.
 
  • Mesures consacrées par la nouvelle loi

Trois mesures sont consacrées.
 
  1. Audition préalable obligatoire

Désormais, l'employeur public qui envisage de licencier un travailleur pour des motifs liés à sa personne ou à son comportement l'invite à être préalablement entendu et recueille ses explications concernant les faits et les motifs de la décision envisagée. Le travailleur doit par ailleurs disposer de suffisamment de temps pour préparer son audition ou formuler le cas échéant des observations écrites. A défaut d’audition préalable au licenciement, l’employeur est redevable d’une indemnité équivalente à deux semaines de rémunération.
 
  1. Motifs du licenciement

A la différence notable du régime applicable dans le secteur privé, l’employeur public doit indiquer, dès la notification du congé, les motifs concrets du licenciement. Le taux de la sanction est, en revanche, identique : l’employeur qui néglige de communiquer les motifs concrets du licenciement devient redevable d’une indemnité équivalente à deux semaines de rémunération.
 
  1. Licenciement manifestement déraisonnable

Le législateur reprend enfin les termes de la CCT n° 109 quant à la définition du licenciement manifestement déraisonnable, soit celui d'un travailleur engagé pour une durée indéterminée, qui se base sur des motifs qui n'ont aucun lien avec l'aptitude ou la conduite du travailleur ou qui ne sont pas fondés sur les nécessités du fonctionnement de l'entreprise, de l'établissement ou du service, et qui n'aurait jamais été décidé par un employeur normal et raisonnable.

Une indemnité équivalente à celle prévue par la CCT n° 109 (entre 3 et 17 semaines de rémunération avec interdiction de cumul avec d’autres indemnités reprises dans la loi) est prévue en cas de licenciement manifestement déraisonnable.

La charge de la preuve est quant à elle réglée par le droit commun de l’article 870 du Code judiciaire (et non par un régime similaire à celui prévu à l’article 10 de la CCT n° 109), puisque l’employeur public a l’obligation de préciser les motifs du licenciement dès la notification du congé. Par exception, lorsque l’employeur a omis de communiquer les motifs ayant conduit au licenciement, il lui incombe d’établir que le licenciement n’est pas manifestement déraisonnable.
 
  • Entrée en vigueur

Ce régime entre en vigueur pour les licenciements effectués à partir du 1er mai 2024.



 
 
[1] Loi du 26 décembre 2013 concernant l’introduction d’un statut unique entre ouvriers et employés en qui concerne les délais de préavis et le jour de carence ainsi que des mesures d’accompagnement, M.B., 31 décembre 2013.
[2] Plus précisément pour les employeurs qui relèvent du champ d’application de la loi du 5 décembre 1968 sur les conventions collectives de travail et les commissions paritaires, M.B., 15 janvier 1969.
[3] Plus précisément pour les employeurs qui ne relèvent pas du champ d’application de la loi du 5 décembre 1968 sur les conventions collectives de travail et les commissions paritaires, M.B., 15 janvier 1969.
[4] C.C., 30 juin 2016, n° 101/2016, B.7.3.
[5] Cass., 12 octobre 2015, S.13.0026.N, disponible sur www.juportal.be.
[6] C.C., 6 juillet 2017, 86/2017.
[7] C.C., 6 juillet 2017, 86/2017, B.7.
[8] C.C., 22 février 2018, 22/2018, B.9.
[9] Projet de loi sur la motivation des licenciements et des licenciements manifestement déraisonnables des travailleurs contractuels du secteur public, Exposé des motifs, Doc., Ch., n° 55-3754/001, p. 5.

Auteurs

Clémentine Caillet
Avocate Associée
XIRIUS PUBLIC, Droit administratif, Droit constitutionnel, Droit de la santé, Droit social de la fonction publique , Finances publiques, Médiation , Légistique, Métiers et professions réglementés
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Sacha Hancart
Avocat
XIRIUS PUBLIC, Droit administratif, Droit constitutionnel, Droit de la santé, Droit de l'énergie, Droit de l'environnement et de l'urbanisme, Droit social de la fonction publique , Finances publiques, Médiation , Urbanisme et aménagement du territoire, Droit public de la sécurité sociale, Légistique, Métiers et professions réglementés
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