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Xirius Public décrypte l’accord de Gouvernement de l’Arizona pour vous. Focus sur quelques questions de politique énergétique : les ruptures et les enjeux juridiques

Publié le : 28/02/2025 28 février févr. 02 2025


L'accord de gouvernement marque plusieurs changements significatifs par rapport aux politiques menées précédemment. Cette analyse vise à identifier les principales ruptures et les enjeux juridiques associés, en se concentrant sur les domaines clés de la politique énergétique et environnementale.

1. Vision à long terme de la politique énergétique

Rupture : L'accord Arizona adopte officiellement le principe de « neutralité technologique », évaluant toutes les sources d'énergie selon des critères économiques et environnementaux uniformes. Contrairement à l'accord Vivaldi, qui privilégiait une transition rapide vers les énergies renouvelables, l'accord Arizona ne fixe pas de quotas spécifiques pour chaque source d'énergie dans le mix énergétique. En clair : les choix ne seraient pas fondés sur des « dogmes » mais sur les avantages et mérites de chaque technologie. Un deuxième axe de la politique gouvernementale consiste à réduire la dépendance du pays aux importations de carburants en provenance de pays géopolitiquement à risque et, pour ce faire, « nous diversifions les sources d’énergie et renforçons la production nationale d’électricité ». En bref, une production nationale renforcée, mixte, et technologiquement neutre.

Juridique : Des accords de coopération et des modifications législatives seront nécessaires pour garantir la mise en œuvre de ces principes.

2. Planification et Haut Conseil pour l’approvisionnement énergétique

Rupture : Une innovation majeure de l'accord est la création du Haut Conseil pour l'approvisionnement énergétique, un organisme fédéral autonome et indépendant du secteur. Ce conseil sera chargé de coordonner la planification énergétique, d'harmoniser les modèles de prévision et de fournir un rapport annuel sur l'évolution des besoins énergétiques. Cette structure centralisée contraste avec l'approche du gouvernement Vivaldi, qui s'appuyait davantage sur une collaboration entre différentes entités régionales et fédérales.

Juridique : La mise en place de ce conseil nécessitera un encadrement juridique précis, probablement sous la forme d'un accord de coopération interfédéral, impliquant des ajustements dans la gouvernance et le partage des compétences entre les différents niveaux de pouvoir. L’objectif du gouvernement est d’inscrire sa vision à long terme le plus rapidement possible, grâce au travail du Haut Conseil, dans un pacte énergétique interfédéral.

3. Énergie nucléaire

Rupture : La rupture la plus significative avec la politique antérieure, telle qu’elle était exprimée dans l’accord de gouvernement Vivaldi, concerne l’énergie nucléaire, considérée désormais comme une composante importante du futur bouquet énergétique en tant que source d’énergie neutre en carbone. Il n’est plus question d’une sortie progressive du nucléaire, pourtant confirmée dans l’accord Vivaldi (certes dans un contexte géopolitique bien différent). À très court terme, le gouvernement annonce des mesures pour prolonger les « unités existantes répondant aux normes de sûreté ». Il pourrait s’agir de Tihange 1, Doel 1 et Doel 2, mais l’accord ne le précise pas et n’explique pas ce qu’il entend par « prolonger ». En ce qui concerne Doel 4 et Tihange 3, le gouvernement ne remet pas en question, bien sûr, la prolongation de 10 ans déjà convenue avec Engie, actée dans la loi et récemment validée par la Commission européenne (https://europa.eu/newsroom/ecpc-failover/pdf/ip-25-565_fr.pdf), mais il envisage une prolongation supplémentaire de la durée de vie de minimum 10 ans.  De manière générale, le gouvernement entend remettre la Belgique sur la carte des principaux pays nucléarisés et veillera dès lors au maintien des compétences, de l’expertise et de la propriété intellectuelle nucléaire en Belgique afin d’éviter la perte d’un atout stratégique dans notre pays. Enfin, l'accord envisage la construction de nouveaux réacteurs et le développement de Small Modular Reactors (SMR - https://www.xirius.be/articles/xirius-public-decrypte-laccord-de-gouvernement-de-larizona-pour-vous-focus-sur-une-question-energetique-lenergie-nucleaire-et-lenjeu-des-petits-reacteurs-modulaires-972.htm#_ftn1).

Juridique : Cette réorientation stratégique nécessitera la suppression des restrictions légales existantes, l'adaptation du cadre réglementaire pour faciliter les nouveaux investissements, et des discussions approfondies avec les autorités européennes pour aligner la stratégie nucléaire belge sur les normes et directives de l'Union européenne. Le nouveau gouvernement prévoit déjà d’abroger purement et simplement les dispositions relatives à la sortie du nucléaire et l’interdiction de construction de nouvelles capacités inscrites dans la loi du 31 janvier 2003. Les mesures visant les réacteurs nucléaires existants nécessiteront des discussions avec Engie.

4. Déchets radioactifs

Rupture : Nous relevons encore que l’accord vise à minimiser les quantités de déchets hautement radioactifs et à valoriser les matières présentes sur le territoire national, ce qui pourrait impliquer la relance d’une filière de retraitement du combustible usé, le cas échéant grâces aux avancées technologiques obtenues dans le cadre du projet Myrrha, également évoqué par l’accord.

Juridique : Sur un volet plus technique, le gouvernement annonce la fixation des « règles générales » pour l’établissement des critères d’acceptation pour déchets radioactifs. Ces règles sont importantes. Si l’organisme fédéral de gestion des déchets radioactifs (ONDRAF) détermine lui-même les critères techniques auxquels les déchets radioactifs doivent répondre pour être pris en charge par ses soins, c’est le gouvernement qui doit déterminer les exigences politiques de conditionnement de leurs déchets par les producteurs.

5. Combustibles fossiles

Rupture : Contrairement à l'accord Vivaldi, l’accord Arizona ne prévoit pas de réduction structurelle de l'utilisation des combustibles fossiles, se contentant d'éviter toute augmentation de la dépendance à ces sources d'énergie. Il est frappant de constater que le gouvernement ne fait principalement qu’ « évaluer », « envisager » ou « rechercher » des mesures permettant de diminuer la consommation de combustibles fossiles. Au même titre, le gouvernement « plaidera » pour la taxation du kérosène au niveau international et européen. Enfin, la qualité des biocarburants sera mieux vérifiée pour éviter des fraudes et une garantie de durabilité sera requise.

Juridique : Le gouvernement prévoit de réformer le régime fiscal afin de réduire progressivement les incitants fiscaux aux combustibles fossiles (mais pas pour le secteur producteur d’électricité…). Le régime de restitutions d’accises sur le diésel routier professionnel sera modifié pour les réduire, mais sans mettre en cause notre compétitivité par rapport à nos pays voisins.

6. Hydrogène

Rupture : La Belgique veut se positionner comme un hub européen pour l'hydrogène bas-carbone. Contrairement aux ambitions de l'Union européenne, qui privilégie principalement l'hydrogène vert produit à partir de sources renouvelables, l'accord Arizona prévoit de ne pas se limiter à cette seule catégorie.

Juridique : Cette stratégie plus « inclusive » nécessitera une harmonisation avec les réglementations européennes et la mise en place d'infrastructures adéquates pour le transport et le stockage de l'hydrogène, impliquant des investissements substantiels et des cadres juridiques adaptés.

7. Prix de l'énergie pour les ménages et les entreprises

Rupture : L'accord met l'accent sur une plus grande transparence des factures d'énergie et prévoit une révision à la baisse des acomptes pour les contrats variables en cas de diminution substantielle des prix. Il introduit également une indemnisation au prorata temporis pour les contrats à tarif fixe, offrant ainsi une protection accrue aux consommateurs. Plusieurs mesures sont également prises, telles que l’abaissement du taux d’accises et des tarifs du réseau de transport pour les industries à forte consommation d’énergie, afin de renforcer la compétitivité de nos entreprises en diminuant leur coût énergétique. Cette approche diffère de celle de l'accord Vivaldi, qui se focalisait davantage sur des mécanismes de régulation des prix et des aides ciblées pour les ménages vulnérables.

Juridique : La mise en œuvre de ces dispositions nécessitera une adaptation de la réglementation des contrats d'énergie et un renforcement des obligations des fournisseurs pour garantir une application transparente et équitable des nouvelles mesures.

8. Offshore

Rupture : L'accord Arizona indique qu’ « une politique ambitieuse » sera menée pour augmenter la part d’énergie offshore, sans toutefois préciser quel est l’objectif en GW à atteindre. Par ailleurs, les projets « Ventilus » et « La Boucle du Hainaut » ainsi que d’autres projets similaires assurant une capacité de connexion suffisante seront « facilités ». Enfin, le gouvernement ne se prononce pas sur la question de l’île énergétique et indique dans son accord qu’il prendra une décision d’ici la fin mars 2025.

Juridique : Concrètement, les marchés publics conclus pour la réalisation de la zone Princesse Elisabeth seront modifiés afin d’allonger le délai de construction du parc. Le gouvernement prévoit également d’élaborer un cadre juridique permettant le repowering de la zone offshore existante. Pour réaliser certaines mesures annoncées au niveau de l’énergie offshore, le gouvernement fédéral sera cependant contraint de conclure des accords de coopération avec les régions.

Conclusion

L'accord de gouvernement De Wever marque une rupture significative avec la politique menée par le gouvernement Vivaldi, notamment en relâchant les restrictions sur le nucléaire et en favorisant une approche plus pragmatique de la transition énergétique. Sur le plan juridique, de nombreuses modifications législatives, réglementaires et contractuelles seront nécessaires pour mettre en œuvre ces nouvelles orientations. Au final, le but est d’assurer durablement la sécurité d'approvisionnement et l’indépendance énergétique à un prix abordable pour les ménages et la compétitivité des entreprises.
 

Auteurs

Agnès Piessevaux
Avocate
XIRIUS PUBLIC, Xirius Public, Droit climatique, Droit constitutionnel, Droit de l'énergie, Droit de l'environnement et de l'urbanisme, Urbanisme et aménagement du territoire
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Dominique Vermer
Avocat Associé
XIRIUS PUBLIC, Xirius Public, Droit constitutionnel, Droit de l'énergie, Droit de l'environnement et de l'urbanisme, Expropriations, Urbanisme et aménagement du territoire
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