Un nouveau Cadre de référence éolien pour la Région Wallonne
Le 25 janvier 2024, le Gouvernement wallon a adopté un nouveau Cadre de référence (ci-après « CDR 2024 ») pour le développement des éoliennes en Région wallonne[1]. Il s’applique aux permis éoliens ayant pour objet l’installation et l’exploitation d’éoliennes d’une puissance supérieure à 0,5 MW[2]. Il est entré en vigueur le 25 avril 2024[3].
Les objectifs du cadre de référence peuvent être résumés comme suit [4] :
- La protection du cadre de vie, en réglant par exemple la distance minimale à l’habitat ;
- L’exploitation optimale du gisement venteux ;
- Le respect du paysage ;
- De favoriser la collaboration entre promoteurs lorsque leurs projets respectifs sont incompatibles.
Le CDR 2024 remplace le Cadre de référence de 2013 dont certaines recommandations n’étaient plus adaptées. À cet égard, le gouvernement met en évidence les indications de distance du CDR de 2013 qui avaient pour conséquence de rendre difficile le repowering des parcs existants par les éoliennes de nouvelle génération plus puissante mais généralement plus hautes que celles d’anciennes générations[5].
Tout comme le CDR 2013[6], le CDR 2024 a une valeur indicative[7]. L’autorité chargée de délivrer un permis éolien pourra par conséquent toujours s’en écarter moyennant une motivation adéquate.
Nonobstant cette valeur indicative, le CDR constitue un outil indispensable au développement des projets éoliens. Nous nous arrêterons ici uniquement sur les éléments qui constituent des modifications importantes de recommandations qui étaient déjà contenues dans le CDR 2013 (A) ou des nouveautés par rapport à celui-ci (B)[8].
Nous nous attarderons par ailleurs brièvement sur les questionnements qui entourent le processus de participation des pouvoirs locaux et des citoyens aux projets éoliens prévu par le CDR 2024, lequel dispose également désormais d’une assise décrétale (C).
- Les modifications de recommandations préexistantes
Le nouveau CDR modifie – en substance ou de manière partielle – certaines recommandations qui existaient déjà dans l’ancienne mouture [9].
- Le nombres d’éoliennes
Les principes d’implantation sont modifiés et l’article 3.1 du nouveau CDR prévoit qu’ « un parc est un projet éolien qui prévoit l’implantation de minimum quatre éoliennes » [10]. Ce alors que le CDR 2013 prévoyait que les parcs de 5 éoliennes étaient prioritaires.
- Précision sur les photomontages
L’article 5.1.2, §2, apporte des précisions sur les photomontages à réaliser pour les points de vue remarquables et les biens classés. Il précise « la visibilité du parc éolien est illustrée depuis ces points et vers ces biens » [11].
- Le périmètre d’étude paysager
La constante utilisée pour le calcul du périmètre d’étude paysager est modifiée. En effet, l’article 5.1.2, §1er du nouveau CDR prévoit à présent une constante de 65 (anciennement 100) [12]. Le périmètre se calcule dès lors désormais de la manière suivante : « R = (65 + E) x h » [13].
Le périmètre d’étude paysager des projets sera par conséquent réduit par rapport à celui recommandé par le CDR 2013.
- Les distances aux zones du plan de secteur
L’ancien CDR prévoyait que « la distance à la zone d’habitat s’élève à minimum 4 fois la hauteur totale des éoliennes » [14]. Seule la zone d’habitat était visée par le CDR 2013.
Le CDR 2024 se veut plus précis et vise désormais également la zone d’habitat a caractère rural, la zone d’activité communale concertée affectée à l’habitat et la zone d’habitat vert.
En termes de distances par rapport à ces zones, le CDR 2024 recommande une distance minimale de 500m auxquels sont ajoutés la moitié de la hauteur de l’éolienne [15].
Cette modification a clairement pour objectif de réduire les distances minimales recommandées afin de permettre le repowering des parcs éoliens existant au moyen de modèle présentant une hauteur plus importante[16]. Le gouvernement le mentionne d’ailleurs expressément dans l’exposé introductif de la circulaire[17].
- Les nouveautés
Le nouveau CDR innove sur certains points qui méritent d’être relevés [18].
- Les projets ayant passés le stade de la réunion d’information préalable
Le nouveau CDR recommande que l’évaluation des incidences sur le paysage tienne compte de « l’impact des projets voisins autorisés ou ayant passé le stade de la réunion d’information préalable » [19]. Cette recommandation va donc au-delà du prescrit légal qui impose de tenir compte des effets cumulatifs d’un projet avec les seuls projets existants et/ou autorisés[20].
- La participation des pouvoirs locaux et des citoyens
La participation du public aux projets éoliens se veut la mesure phare du nouveau cadre éolien. Elle se donne pour objectif de favoriser l’acceptation sociale et à susciter l’adhésion aux projets le développement éolien[21]. Nous soulignerons les questions qu’elle soulève (C).
L’article 2 du nouveau CDR prévoit une participation des communes et des citoyens au projet éolien. Celui-ci dispose que :
« §1. Dans l’attente d’un cadre légal rendant obligatoire la participation des communes et des citoyens, les développeurs éoliens sont encouragés à permettre la participation citoyenne et communale.
La demande de permis unique portant sur une ou plusieurs éoliennes contient :
1° un rapport relatif à l’appel à manifestations d’intérêts à participer au projet éolien émis à destination des citoyens. Cet appel est organisé au plus tard lors de la réunion d’information préalable ;
2° un rapport relatif l’appel à manifestations d’intérêts à participer au projet éolien émis à destination des pouvoirs locaux. Ce rapport est clôturé et présenté lors de la réunion d’information préalable ;
3° les offres de participation émises à destination des pouvoirs locaux et des citoyens, à concurrence de 24,99% pour chacun des deux groupes.
(…) »
Le total des offres de participation devant être émises s’élève donc à 49,98% du projet. Ces offres constituant une condition de complétude de la demande de permis portant sur le projet éolien.
La participation publique au projet constitue en outre une règle de préférence pour le cas où deux projets à l’instruction présentant un productible comparable se révèleraient incompatibles[22].
- Questionnement et observations sur le régime de participation du public aux projets éoliens
Le cadre légal rendant obligatoire la participation des communes et des citoyens aux projets éolien a été adopté par le Parlement wallon par le biais d’un décret du 26 avril 2024 modifiant les articles 1er, 2, 32, 83 et 92 du décret du 11 mars 1999 relatif au permis d’environnement et insérant un article 86bis[23].
L’article 5 de ce décret relatif à la participation du public aux projets éoliens est comparable à l’article 2 du CDR. L’arrêté d’exécution de cette disposition doit encore être adopté par le gouvernement.
- De l’avis de la Section de législation du Conseil d’Etat.
Dans son avis du 10 avril 2024, n°75.580/4, la Section de Législation du Conseil d’Etat (SLCE) a mis en évidence que le régime prévu par l’article 5 présentait les écueils suivants :
1. L’organisation d’un subventionnement accru des projets d’énergie éolienne et solaire faisant appel à une participation citoyenne peut poser un problème au regard de la libre circulation des capitaux et de la liberté d’établissement [24].
2. La compatibilité de l’obligation de participation envisagée avec l’article 27 de la Constitution – liberté de s’associer ou de ne pas s’associer – ne serait pas établie [25].
3. L’obligation d’un appel préalable à manifestation d’intérêt et d’émission d’offres de participation à concurrence de 49,98% pourrait emporter une restriction à la liberté d’entreprise [26].
Le texte du décret n’a été amendé que de façon mineure à la suite de cet avis (le terme « offre » est remplacé par le terme « proposition » notamment). Ces modifications ne permettent selon nous pas de rendre caduc l’avis de la SLCE de sorte qu’il semble probable que cette disposition motive l’introduction d’un ou plusieurs recours près la cour constitutionnelle.
- Des interrogations que soulèvent l’articulation du CDR et le décret
Pour rappel, le CDR n’a qu’une valeur indicative et ne peut modifier le contenu d’une demande de permis. Il s’agit en effet d’une prérogative du Législateur wallon.
Dès lors, si le décret du 26 avril 2024 devait être annulé, le nouveau CDR ne pourra à l’évidence servir de fondement à l’administration pour considérer qu’un dossier de demande de permis portant sur un projet éolien et ne prévoyant aucune participation du public doit être considéré comme incomplet.
- De la disposition transitoire du décret
Soulignons enfin que l’article 8 du décret prévoit que l’article 5 organisant la participation du public aux projets éoliens « ne s’applique pas aux projets qui ont fait l’objet d’une réunion d’information préalable au plus tard trois mois après l’entrée en vigueur du décret ».
Cette mesure transitoire pourrait inciter les promoteurs éoliens à accélérer le passage en réunion d’information préalable de leurs projets afin de ne pas avoir à respecter l’obligation de participation du public.
- Conclusion
La région wallonne s’est dotée d’un nouveau cadre de référence plus de dix ans après l’adoption du précédent cadre de référence. Cette adoption est bienvenue et doit permettre à la région wallonne d’être en mesure de répondre aux défis de la transition énergétique et à la nécessaire augmentation de la production d’énergie éolienne qui impliquera notamment un repowering des parcs existants.
Eu égard à ses implications, l’obligation de participation des pouvoirs locaux et des citoyens pose quant à elle question.
Il ne faut donc pas perdre de vue la subtilité en cas d’arrêt d’annulation du Conseil d’Etat.