La nouvelle ordonnance de la COCOM relative à la politique de prévention en santé : l’opportunité d’un rappel des règles de répartition des compétences
Publié le :
04/07/2024
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07
2024
Le 30 mai dernier a été publié au Moniteur belge l’ordonnance de la Commission communautaire commune (COCOM) du 16 mai 2024 relative à la politique de prévention en santé.
Cette ordonnance abroge et remplace l’ordonnance existante du 19 juillet 2007 relative à la politique de prévention en santé. Cette volonté de remplacer un texte existant découle des évolutions des dernières années et, particulièrement, la crise sanitaire liée à la pandémie de covid-19.
L’exposé des motifs des travaux préparatoires de cette ordonnance mettent en exergue l’objectif de la modification : « la protection de la santé de la population et la mise en place de conditions favorables au maintien et à l’amélioration de l’état de santé et de bien-être de la population en général ».
Plus spécifique, les travaux préparatoires mettent en exergue différents constats :
- En santé publique, la prévention a actuellement encore un rôle moins important que le curatif, bien plus développé, particulièrement à Bruxelles qui dispose d’une offre d’aide et de soins conséquente ;
- « La pandémie a relevé le manque de résilience et la faible culture du risque des administrations du pays » ;
- « Le besoin de proximité, l’universalisme proportionné, l’attention accrue au public précaire, la participation à la construction des politiques via des dispositifs de proximité capables d’être mis en œuvre rapidement » seront au centre de la nouvelle ordonnance, ceux-ci n’ayant pas été suffisamment pris en considération par le passé.
C’est sur la base de ces constats que la COCOM a décidé de modifier son ordonnance et de l’axer sur trois piliers de santé publique :
- La vigie sanitaire et la capacité d’intervention en cas de menace pour la santé de la population ;
- La connaissance de l’état de santé de la population et son évolution par une surveillance continue ;
- Le développement de stratégies et d’actions pour prévenir les maladies et traumatismes.
L’ordonnance adoptée prévoit, ainsi, notamment, des règles portant sur l’organisation de dépistages (maladies infectieuses, cancers) et de vaccinations ; le rôle du médecin d’hygiène et des mesures de prophylaxie dans le cadre de maladies infectieuses ; les outils à mettre en œuvre en cas de situation sanitaire exceptionnelles, dont, notamment, la déclaration de situation sanitaire exceptionnelle.
Les travaux qui ont menés à l’élaboration de cette ordonnance sont intéressants car ils mettent en lumière la volonté de la COCOM de faire le point sur les expériences passées et d'en tirer des enseignements. La santé préventive est, en effet, une ancienne compétence des communautés, gérée à Bruxelles essentiellement par la COCOM. Celle-ci dispose aussi d'une compétence en matière de concertation et coordination, pour assurer la cohérence de la politique de santé menée par les entités communautaires sur le territoire bruxellois.
Le projet est aussi ambitieux, en ce qu'il envisage la santé préventive également comme un outil de lutte contre les inégalités en matière de santé. Il rattache la santé préventive aux éléments contextuels des personnes. De cette manière, la politique de santé préventive bruxelloise met en exergue les mêmes questions que la jurisprudence récente en matière de responsabilité des pouvoirs publics relativement aux questions environnementales. L'importance donnée à l'égal accès aux politiques sanitaires est ainsi mise en avant par un "universalisme proportionné".
Quant au volet "connaissance de l'état de santé de la population " il ne vise pas un traitement de données à caractère personnel et ne vise donc pas un suivi direct, personnel et permanent de l'ensemble des habitants de la région, mais un rapportage général, par les prestataires de soins.
Le projet est ainsi marqué par l'importance donnée aux nombreuses collaborations qui sont mises en place. La concertation est notamment prévue pour l'élaboration et le suivi de la politique de santé, en particulier au travers d'un Plan social santé intégré, qui a fait l'objet d'une autre ordonnance (ce plan acquiert ainsi manifestement une place centrale dans le politique de santé bruxelloise).
L’avis n°75/178/3 rendu par le Conseil d’Etat le 29 février 2024 est également éclairant car il offre à la Section de Législation du Conseil d’Etat de rappeler les limites et l’articulation des compétences des entités fédérés et de l’Etat fédéral en matière de santé publique.
Le Conseil d’Etat y rappelle en effet que la compétence des communautés concernant « l’éduction sanitaire ainsi que les activités et services de médecine préventive » visée par l’article 5, §1er, I, alinéa 1er, 8° de la loi spéciale de réformes institutionnelles du 8 août 1980 (LSRI), s’exerce dans le respect de limites territoriales et dès lors qu’elles s’appliquent aux personnes pour lesquelles les communautés sont compétentes.
Ainsi, le Conseil d’Etat précise que la COCOM en matière de lutte contre des pandémies, ne pourrait adopter de « mesures qui ne s’adressent pas directement aux personnes présentant une infection (ou un risque d’infection) ayant pour origine une maladie contagieuse, mais à la population en général ».
Toujours dans le cadre de l’analyse de la compétence des communautés en matière de médecine préventive, le Conseil d’Etat relève que ressortent bien de cette compétence :
- Le dépistage de maladies infectieuses et la lutte contre ces maladies ;
- Les mesures liées à l’entrée en contact avec des personnes (potentiellement ou présumées) infectées, ainsi qu’avec des personnes et des collectivités avec lesquelles elles ont été en contact ;
- La formulation de recommandations à ces personnes en vue de prévenir d’autres infections ;
- L’obligation de notification en cas de contamination ;
- L’imposition d’un examen médical, d’un traitement médical et de mesure de confinement aux personnes (potentiellement ou présumées) infectées ;
- Les mesures en matière d’examen, de traitement et d’isolement des voyageurs, ainsi que les mesures en matière d’inspection et de décontamination d’infrastructures, d’installation, de marchandises et de moyens de transport lorsque ces mesures concernent des formes de service ou d’aide aux voyageurs et visent à lutter contre une pathologie de nature infectieuse et à en prévenir la propagation ;
- Le fait de contacter des personnes (potentiellement) infectées ainsi que leurs contacts, fournir des recommandations, imposer un isolement ou une quarantaine et imposer un examen médical ou un test médical en vue de lutter contre la propagation d’une maladie contagieuse.
Concernant la compétence territoriale, le Conseil d’Etat rappelle que, s’agissant de personnes morales, il y a lieu d’être attentif au fait que certaines institutions situées dans la région bilingue de Bruxelles-Capitale peuvent cependant relever de la Communauté flamande ou française en raison de leur organisation.
Cet avis offre ainsi un rappel et une actualisation, au regard de la crise que nous avons connue en 2020 et 2021. L’articulation des compétences en matière de prévention de la santé des entités du pays dans le cadre d’une situation de crise sanitaire est ainsi résumée par le Conseil d’Etat : les communautés sont compétentes pour adopter des mesures en matière de médecine préventive dans la mesure où ces règles n’ont pas de portée générale et visent dès lors à s’appliquer aux personnes pour lesquelles les communautés sont compétentes ainsi que sur le territoire sur lequel ces communautés peuvent exercer leurs compétences.
La volonté exprimée à l'appui de l'adoption de cette ordonnance est de mettre à jour la politique de santé préventive à Bruxelles. Le législateur bruxellois a veillé à y prendre en compte l'évolution rapide de la sensibilité sociétale en la matière, dont la jurisprudence et la pratique de la section de législation du Conseil d'Etat font état. Cette évolution, si elle semble claire, risque néanmoins de créer des difficultés à l'avenir, tant la limite entre la santé préventive et les autres compétences qui s'en rapprochent (environnement, sécurité, sécurité sanitaire, ...) s'amenuise.
L'évolution de ces préoccupations et de cette jurisprudence aura probablement pour effet, de nous forcer à repenser la répartition des compétences en matière de santé. Il est probable que les majorités en formation y pensent fortement.
Auteurs
Margaux Kerkhofs
Avocate Associée
XIRIUS PUBLIC, Droit de la santé, Finances publiques, Droit public de la sécurité sociale, Légistique, Métiers et professions réglementés
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Pierre Slegers
Avocat Associé
XIRIUS PUBLIC, Droit de la santé, Finances publiques, Droit public de la sécurité sociale, Légistique, Métiers et professions réglementés
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