L’adoption du budget des soins de santé ou la cristallisation des tensions du secteur ?
Publié le :
05/12/2024
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Depuis plusieurs semaines, la presse relaie que les discussions qui ont entourées l’adoption du budget de l’assurance soins de santé et indemnités se sont enlisées, au point d’arriver à un blocage.
L’objet de cet article est de rappeler le processus d’adoption du budget afin de mettre en lumière les mécanismes mis en place et de comprendre le blocage actuel ainsi que son incidence plus large sur l’accessibilité des soins.
Qu’est-ce que le budget des soins de santé et comment est-il élaboré ?
Le budget des soins de santé détermine les moyens qui sont alloués en Belgique à une offre de soins de santé de qualité. Ce budget est fixé annuellement à l’issue de discussions entre l’ensemble des parties prenantes des soins de santé représentées démocratiquement au sein des instances de l’INAMI.
L’élaboration de ce budget est faite de manière participative. Composé de l’agrégation des divers sous-budgets établis pour chaque profession (à chaque fois, les représentants de la profession concernée et ceux des patients s’accordent sur un budget propre aux soins prodigués par ce groupe de professionnels).
Ces différents sous-budgets sont alors mis en commun et équilibrés entre eux au sein d’organes de l’INAMI qui réunissent également des représentants tant des professionnels de soins que des patients (au travers des organismes assureurs).
Cette parité a pour objet – et pour effet – que la détermination des différentes mesures qui y sont décidées se fait au travers d’échanges entre les parties prenantes aux soins afin de déterminer, de concert, la meilleure affectation des moyens disponibles pour une prise en charge idéale des soins. Ceci repose sur l’idée que, d’une part, les représentants des prestataires souhaiteront légitimement assurer une rémunération adéquate pour les prestataires concernés alors que les mutualités – qui ont pour mission de préserver les intérêts de leurs membres, les bénéficiaires – s’assureront que la détermination du budget permet d’avoir un accès effectif aux soins de santé.
Ce mécanisme participatif et paritaire a été mis en place au milieu des années 1960 et permet, depuis lors, de conserver une offre de soins de santé de qualité laissant une large part de liberté aux patients pour choisir les soins et les soignants qui leurs semblent les plus indiqués.
Les pouvoirs publics conservent un rôle dans l’adoption de ce budget. Comme l’a rappelé la Cour constitutionnelle dans un arrêt 136/2000, il appartient en effet au politique de reprendre la main lorsque les partenaires sociaux ne parviennent pas à s’entendre.
En outre, la représentativité politique est assurée par la participation de représentants du gouvernement au sein du Conseil général qui est chargé d’adopter le budget.
C’est à ce niveau que l’adoption du budget a été bloquée ; les représentants du gouvernement n’ont pas voulu marquer leur accord sur le budget proposé en raison de degré d’avancement des négociations d’un futur gouvernement fédéral et de l’incidence des choix proposés sur le budget global de l’Etat.
La non adoption d’un budget a des conséquences au-delà de la simple question budgétaire.
En effet – et c’est probablement là une conséquence aussi du mode d’adoption du budget – les représentants de certaines professions de soins invoquent l’absence de budget pour remettre en cause d’autres mécanisme qui garantissent, pour les patients, l’accès aux soins au travers d’une sécurité tarifaire.
Concrètement, les associations représentatives des différentes professions de soins de santé se sont indignées, au point, pour certaines, de choisir de dénoncer la convention qui liait les honoraires (et avantages) des prestataires qu’elles représentent. C’est le cas, par exemple, de la convention conclue entre les kinésithérapeutes et les organismes assureurs. La dénonciation de cette convention au 1er janvier 2025 aura pour effet que les kinésithérapeutes (qui étaient jusqu’alors conventionnés) ne seront plus tenus de respecter les tarifs prévus par la convention. Fin octobre 2024, les sage-femmes ont également été appelées à se déconventionner. De même que les associations représentatives des médecins qui ont également annoncé envisager dénoncer l’accord médico-mut.
Chaque fois, l’absence d’adoption d’un budget est invoqué pour justifier ces décisions. Les problèmes pourtant sont souvent bien plus anciens que l’adoption du budget 2025. Le blocage de l’adoption de ce budget cristallise ainsi les problèmes de financement et d’allocation des moyens dans secteur des soins de santé dont le bon financement est, pourtant, essentiel à notre société.
La non adoption du budget s’avère donc, de plusieurs manière, avoir un potentiel effet catastrophique sur l’accessibilité financière des soins de santé. Tant l’absence de budget que les décisions subséquentes des différentes professions pourrait avoir pour conséquence que les patients devront débourser davantage pour pouvoir bénéficier encore de soins de santé de qualité.
Si des mécanismes existent donc pour forcer l’adoption d’un budget et le remboursement de soins, la séquence autour de l’adoption du budget 2025 montre surtout qu’un dialogue constructif entre les représentants des professions, les patients et les responsables politiques est indispensable pour garantir le bon fonctionnement et la pérennité du système belge des soins de santé.
Auteurs
Margaux Kerkhofs
Avocate Associée
XIRIUS PUBLIC, Droit de la santé, Finances publiques, Droit public de la sécurité sociale, Légistique, Métiers et professions réglementés
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Pierre Slegers
Avocat Associé
XIRIUS PUBLIC, Droit de la santé, Finances publiques, Droit public de la sécurité sociale, Légistique, Métiers et professions réglementés
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Historique
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