Le jeu des différences entre une concession domaniale et une concession de services
Publié le :
08/08/2024
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1.
Imaginons qu’une commune bruxelloise souhaite concéder à un tiers le droit d’exploiter une friterie sur son domaine public.
S’agit-il d’une concession domaniale ou bien d’une concession de services ?
La différence entre ces deux contrats administratifs n’est pas toujours simple à cerner.
Cette distinction est pourtant essentielle. En effet, pour l’attribution d’une concession domaniale à un opérateur économique, l’administration n’a pas l’obligation de recourir à une procédure formelle d’adjudication publique. L’attribution d’une telle concession n’en reste pas moins soumise aux principes généraux et règles du droit administratif, notamment le principe d’égalité de traitement et l’obligation de motivation formelle.
A contrario, l’attribution d’une concession de services à un tiers est soumise à la loi du 17 juin 2016 relative aux contrats de concession[1] ainsi qu’à son arrêté d’exécution[2], impliquant le respect de toute une série de règles pour la passation et l’attribution d’une telle concession[3].
Alors, qu’est-ce qui distingue concrètement la concession domaniale d’une concession de services ?
2.
La concession domaniale est un contrat par lequel l’autorité administrative concédante permet à un usager déterminé d’occuper une parcelle délimitée du domaine public à titre privatif ou exclusif mais de façon précaire et révocable et généralement moyennant le paiement d’une redevance[4].
La concession de services est quant à elle définie comme étant un contrat conclu par écrit et à titre onéreux par lequel un ou plusieurs adjudicateurs confient la prestation et la gestion de services à un ou à plusieurs opérateurs économiques, la contrepartie consistant soit uniquement dans le droit d'exploiter les services qui font l'objet du contrat, soit dans ce droit accompagné d'un prix[5].
La différence déterminante entre une concession domaniale et une concession de services concerne donc l’objet des contrats.
En effet, l’objet de la concession domaniale est de permettre au concessionnaire d’utiliser privativement un bien du domaine public, tandis que l’objet de la concession de services réside dans la prestation de services réalisée par l’opérateur économique, au profit de l’autorité.
L’exposé des motifs de la loi du 17 juin 2016 relative aux contrats de concession précise que ne relèvent pas de la notion de concessions (de services ou de travaux) :
« […] les actes (contractuels ou unilatéraux), de droit public ou privé, par lesquels un adjudicateur autorise un opérateur à occuper, faire usage ou exploiter des biens ou ressources publics, notamment dans le secteur des ports maritimes, intérieurs ou des aéroports. Ces actes ne relèvent pas de la notion de concession (de services ou travaux) au sens du présent projet pour autant que les autorités adjudicatrices se limitent à définir (dans l’autorisation ou le contrat) les conditions d’usage ou d’exploitation du bien ou de la ressource mise à disposition, c’est-à-dire généralement les conditions applicables à l’entrée en possession du preneur, à l’usage auquel le bien est destiné, aux obligations du bailleur et du preneur relatives à l’entretien du bien, à la durée de la mise à disposition et à la restitution de la possession au bailleur, à la location et aux frais accessoires à charge du preneur ».
Il en résulte que l’autorisation ou le contrat qui se limite à indiquer l’usage auquel le bien est destiné ; les conditions applicables à l’entrée en possession du preneur ; les obligations du bailleur et du preneur relatives à l’entretien du bien et la durée de la mise à disposition et de la restitution de la possession au bailleur, de la location et des frais accessoires à charge du preneur, ne relève pas de la notion de concession au sens de la loi du 17 juin 2016 relative aux contrats de concession de sorte qu’il s’agit d’une concession domaniale.
3.
Partant, à supposer que la commune bruxelloise se contente d’indiquer dans un contrat qu’elle souhaite octroyer, à un tiers, le droit d’exploiter une friterie sur son domaine public pour une durée déterminée, moyennant le paiement d’une redevance et la constitution d’un cautionnement ainsi que moyennant l’entretien des abords de la friterie, le contrat pourra être qualifié de concession domaniale.
A contrario, si la concession n’est qu’un élément indissociable et accessoire d’un contrat qui vise principalement, pour un adjudicateur, à confier la prestation et la gestion de services répondant aux exigences qu’il définit (détermination des jours et heures d’ouverture de la friterie, détermination de la variété de pomme de terre à utiliser ainsi que de l’huile à employer, fixation d’un label, etc.) et dont il peut exiger/forcer l’exécution, contre le droit d’exploiter les services, ledit contrat sera qualifié de concession de services et sera donc soumis à la loi du 17 juin 2016 relative aux contrats de concession ainsi qu’à son arrêté d’exécution, hormis si l’estimation de la valeur de ladite concession est inférieure à 5.538.000 EUR HTVA.
[1] Cette loi transpose la directive 2024/23/UE du Parlement et du Conseil du 26 février 2014 sur l’attribution des contrats de concession.
[2] Arrêté royal du 25 juin 2017 relatif à la passation et aux règles générales d'exécution des contrats de concession.
[3] Les concessions de services dont l’estimation est inférieure à 5.538.000 EUR HTVA ne sont cependant pas régies par la loi du 17 juin 2016 relative aux contrats de concession de sorte que comme les concessions domaniales, ces concessions de services sont uniquement soumises aux principes généraux et règles de droit administratif.
[4] P. GOFFAUX, Dictionnaire de droit administratif, 3e éd., Bruxelles, Larcier, 2022, p. 223.
[5] Article 2, 7°, b), de la loi du 17 juin 2016 relative aux contrats de concession.
Auteurs
Laureen Perrot
Avocate
XIRIUS PUBLIC, Droit administratif, Droit constitutionnel, Droit de la santé, Droit des contrats et marchés publics, Finances publiques
(00)
Alice Troisfontaines
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